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Un mois de Brexit et quel bilan douanier ?

Transport - Douane
05/02/2021
Jean-Michel Thillier, le Directeur interrégional des douanes et droits indirects des Hauts-de-France chargé du Brexit, dresse un bilan de la frontière intelligente après un mois de Brexit, lors du Symposium Douane organisé par le magazine Classe Export le 4 février 2021. Une occasion aussi d’attirer l’attention des opérateurs sur l’origine et l’OEA dans l’accord de commerce entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.
Après un bilan au bout d’une semaine par la Douane française et son ministre de tutelle (voir notre actualité), c’est maintenant le bilan d’un mois qui est exposé par cette administration s’agissant de sa « frontière intelligente » mise en place dans le cadre du Brexit. Jean-Michel Thillier, le Directeur interrégional des douanes et droits indirects des Hauts-de-France chargé du Brexit, fait un point sur le SI Brexit quatre semaines après la sortie de l’UE par le Royaume, lors du Symposium Douane organisé en ligne par Classe Export le 4 février 2021. Deux points d’attention sont également soulignés quant à l’accord de commerce entre les deux partenaires applicable au 1er janvier 2021.
 
Un mois de Brexit !
 
Des camions refoulés :  une confusion et de l’impréparation
 
Le monsieur Brexit de la DGDDI note d’abord que l’accord de commerce du 24 décembre 2020 a trop été perçu par certains opérateurs comme une absence de formalités douanières dans les échanges UE-RU, ce qui est bien évidemment une erreur. Le texte fondateur en la matière est l’accord de retrait de mars 2020 qui prévoit le maintien des formalités douanières et sanitaires liées au franchissement de la frontière. C’est une raison des blocages ou des refoulements des camions qui ont eu lieu (et ont parfois encore lieu !) à la frontière, certains transporteurs venant sans avoir accompli de formalité au préalable.
 
Un mois après la sortie du RU de l’Union, les chiffres concernant les camions représentent un trafic normal par rapport à 2020, selon Jean-Michel Thillier qui constate que le SI Brexit (la frontière intelligente) fonctionne, même s’il reste des choses à améliorer s’agissant des opérateurs.
 
Le Directeur interrégional des douanes liste les problématiques suivantes :
  • des opérateurs ont donc cru (malgré les avertissements de la Commission, de la Douane et des fédérations professionnelles) qu’il n’y aurait pas de formalité en raison de l’accord ou se sont insuffisamment préparés et ont vu leurs camions refoulés (par les autorités britanniques ou par les opérateurs du lien transmanche, comme Eurotunnel par exemple) ;
  • des formalités sont inachevées pour différentes raisons : en transit, par exemple, une absence de notification à destination ne permet pas l’apurement ce qui peut entraîner un blocage de la garantie ; des déclarations à l’importation anticipées mais non validées ; des consignes insuffisantes données au chauffeur qui sont facteur de perte de temps à l’appairage avant l’embarquement ; une absence d’anticipation du RDE quant à la désignation de la personne en charge des actions et des informations (notamment pour la notification dans TRACES) ;
  • des difficultés informatiques au RU « qui ne seront pas résolues à court terme » : ainsi, le système anglais ne sachant pas gérer un changement de bureau en transit (voir notre actualité), lorsque la France ne reconnait pas le titre de transit, le camion va en file orange pour contrôle (pour garantir la fluidité des flux, une modification du SI Brexit est en cours et, avec un accord de la Commission, Delta T sera modifié pour résoudre ce problème, a priori début février) ;
  • des défaillances dans l’organisation administrative du coté anglais ne facilitent pas les choses : il n’y a pas assez de douanier ni de RDE ; les temps d’attente peuvent atteindre 2 ou 3 heures à Ashford, quand ce n’est pas tout simplement le camion qui ne passe pas par ce bureau ;
  • enfin, les certificats sanitaires britanniques sont de mauvaise qualité, ils ne sont pas remplis correctement ; et si une période de souplesse les concernant existe, elle ne va pas durer longtemps, le risque étant à terme que les camions soient refoulés.
 
Anticipation : la « marge de progrès » !
 
Avec le SI Brexit, l’important tient à l’anticipation des formalités : titre de transit valide ; déclaration d’importation ; présentation des documents ; validation de la déclaration en cours de traversée ; cohérence des certificats sanitaires et de la déclaration en douane, de sorte que le lien entre TRACES et Delta fonctionne correctement. Il y a là selon Jean-Michel Thillier une marge de progrès pour que le SI Brexit porte tous ses fruits.
 
Une opportunité : la relocalisation des flux en France
 
Le SI Brexit a été une occasion réussie de rapatrier des flux dans l’Hexagone, selon ce douanier. Et une montée en compétence à confirmer favorisera encore un retour des flux, facteur de richesse pour le pays.
 
Origine dans l’accord UE-RU
 
Le Directeur interrégional des douanes souligne l’importance du sujet de l’origine dans la nouvelle relation entre l’UE et le RU : il existe peu de produit « made in UK » et l’origine UK n’a donc pas forcément à être demandée (surtout si elle l’est à tort) ; il faut aussi vérifier préalablement si le droit à l’import n’est pas déjà de zéro, ce qui éviterait de solliciter inutilement une origine préférentielle (OP). S’agissant de la preuve de l’origine, l’accord UE-RU, qui s’inspire de celui entre l’UE et le Japon (et inspirera les ALE à l’avenir), prévoit une attestation d’origine ou la « connaissance par l’importateur ». [Erratum du 11 février 2021 : dans la rédaction initiale du présent § figurait de manière erronée l’indication selon laquelle « la Grande-Bretagne n’ayant pas de système d’enregistrement des exportateurs, une attestation ne peut pas être utilisée ! ». La DGGDI, qui nous a aimablement signalé cette erreur, nous précise que la Grande-Bretagne n'a certes pas choisi de reprendre le système d'enregistrement REX pour ses exportateurs mais un numéro ayant la structure d'un EORI (commençant donc par GB) et qu’il est ainsi tout à fait possible, à l'import dans l'UE, de solliciter l'origine préférentielle en présentant une attestation d'origine sur laquelle ce numéro de type EORI doit figurer.]
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OEA dans l’accord UE-RU
 
Alors que l’UE avait tout intérêt à mettre la sécurité/sûreté dans l’ARM sur l’OEA, la reconnaissance mutuelle ne concerne pas cet aspect, ce qui implique de réaliser les formalités ICS/ECS : en effet, la sécurité/sûreté a été « écartée » par le RU « qui ne l’a pas demandée explicitement », selon Jean-Michel Thillier. De plus, la mise œuvre des aspects douaniers de cette reconnaissance mutuelle dépend du Comité mixte de l’accord du 24 décembre 2020, qui a compétence sur l’OEA, mais n’est pas encore installé ; rien n’étant prévu pour une première réunion de ce comité, la mise en œuvre de cette reconnaissance mutuelle pourrait selon ce douanier prendre « plusieurs mois » (sur les simplifications douanières de l’ARM, voir notre actualité).
 
Plus d’information sur ces sujets dans Le Lamy guide des procédures douanières, éude n° 105. Les informations ici présentées sont intégrées au n° 105-79 en création dédié au bilan de la frontière intelligente, au n° 340-64 pour l’origine dans l’accord UE-RU et au n° 855-4 pour l’ARM sur l’OEA dans la version en ligne de cet ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit