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Nullité d'un « coup d’accordéon » en cas de fraude aux droits de l’associé minoritaire

Affaires - Sociétés et groupements
03/07/2019
La technique de restructuration du capital dite du « coup d’accordéon » est nulle en cas de fraude aux droits de l’associé minoritaire. Constitue une telle fraude l’objectif d’exclure un associé minoritaire et non de préserver un intérêt social. Cet objectif peut notamment être constaté lorsque les pertes de la société sur l’exercice précédent ne reflètent pas sa situation réelle et ne rendaient pas l’opération de réduction du capital à zéro nécessaire à la survie de la société, et que le délai de souscription imposé à l’associé minoritaire est anormalement court.
Dans cette affaire, un associé minoritaire d’une SAS s’estime lésé suite à une opération de réduction du capital à zéro, suivie d’une augmentation de capital à laquelle il n’a pas souscrit. Selon lui, cette opération est frauduleuse car elle avait pour seul objectif de l'exclure du capital de la société, et non de préserver un intérêt social. Il demande donc l'annulation de ces décisions prises par les assemblées générales extraordinaires de la SAS. L’associé majoritaire fait grief à la cour d’appel de faire droit à ces demandes mais la Cour de cassation rejette leur pourvoi car :

- l'associé majoritaire a décidé de la réduction à zéro du capital au vu des chiffres de l'exercice 2010 faisant apparaître des pertes, cependant qu'il savait que ceux de l'année 2011 seraient bien meilleurs, que le résultat de l'année 2011, inscrit au bilan du 31 décembre 2011, soit seulement trois mois après la réduction du capital, aurait permis de reconstituer les capitaux propres sans nécessiter de réduction du capital ; l’associé majoritaire a racheté en août et septembre 2011 les parts de deux associés minoritaires pour un prix treize fois supérieur à la valeur nominale, et que lors de l'augmentation immédiate du capital, l'assemblée a voté une prime d'émission de 30 euros par action nouvelle d'une valeur de 10 euros, soit pour un montant total de 750 000 euros, cependant que le capital n'était augmenté que de 250 000 euros ; l'arrêt retient que l'opération de réduction du capital à zéro n'était pas nécessaire à la survie de la SAS et a été décidée sur la base de documents comptables constatant une perte, mais ne reflétant pas la situation de la société, dont la valeur réelle n'était pas nulle ;

- le délai de souscription imposé à l’associé minoritaire était anormalement court (du 6 octobre 2011 jusqu'au 14 octobre suivant pour réunir une somme de 250 000 euros) ;

- l'opération est venue mettre fin de façon inattendue aux discussions sur le rachat des parts de l’associé minoritaire par l’associé majoritaire, qui ont duré plusieurs semaines, alors que l’associé minoritaire avait accepté en juillet 2011 une première offre de rachat de ses parts pour un montant de 233 164 euros assorti d'une commission de 184 250 euros, puis une nouvelle offre le 19 septembre 2011, soit moins d'un mois avant l'assemblée générale litigieuse.

Ainsi, la Cour de cassation énonce qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que l'opération, qui avait pour objectif d'exclure l’associé minoritaire et non de préserver un intérêt social, était frauduleuse, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

Pour plus d’informations sur le sujet, voir le n° 2359 de l’édition 2019 du Lamy Sociétés commerciales.
 
Source : Actualités du droit