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Lignes directrices de la Commission européenne sur la valeur en douane : paroles d’expert

Transport - Douane
02/11/2020
Le cabinet DS Avocats commente les lignes directrices de la Commission européenne sur la valeur en douane publiées en septembre dernier : au menu, suppression de la référence à la vente domestique, rôle de du bon de commande, ventes sous entrepôts douaniers et traitement des redevances/droits de licence.
Un article rédigé par le cabinet DS Avocats.

La Commission européenne a publié le 17 septembre 2020 une mise à jour de ses lignes directrices sur la valeur en douane, relatives à la vente à l'exportation, au sens de l'article 70 du Code des douanes de l’Union (CDU) et des articles 128 et 347 du règlement d'exécution du CDU, et à l'exigibilité des redevances et droits de licence en vertu de l'article 71 du CDU et de l'article 136 du règlement d’exécution du CDU.
 
Vente domestique : suppression
 
Le premier changement notable dans ces orientations est la suppression de toute référence au concept de vente domestique (une vente intervenant entre deux sociétés de l'UE peut être considérée comme « la dernière vente à l'exportation »). Ce changement est conforme à l'accord de l'OMC sur l'évaluation en douane, comme le rappelle l'avis consultatif 14.1 du Comité technique de l'évaluation en douane de l'OMD.
 
Cette suppression a été rendue nécessaire par le fait que peu d'administrations d’États membres ont établi un lien entre la vente domestique et le mouvement intérieur des marchandises. En effet, ces administrations ont refusé qu'une vente effectuée entre deux entités de l'UE serve de base à l'évaluation/la valeur en douane, même si cette vente s'accompagnait d'un mouvement transfrontalier de marchandises. Cette situation posait deux grands problèmes pratiques :
  • d’une part, dans les opérations de commerce transfrontalier (cas d’un flux physique entre le vendeur A non-UE et l'importateur C, avec deux flux financiers : entre ce vendeur A non-UE et un acheteur/revendeur B de l'UE et entre cet acheteur/revendeur B de l'UE et l'importateur C de l'UE), l'importateur C ne détient jamais la facture de la vente entre A et B ; or, en demandant que cette facture soit présentée lors du dédouanement, les administrations douanières ont obligé les importateurs à déclarer sur la base d'une autre méthode et cela s'est avéré particulièrement problématique pour les transactions entre parties indépendantes, mais aussi, dans une certaine mesure, pour les transactions effectuées entre parties liées ;
  • d’autre part, les droits de douane devaient être payés sur le prix de la vente entre A et B, tandis que la TVA devait être payée sur la base de la vente entre B et C ; la réconciliation des deux ventes pour la TVA était une complication non nécessaire.
 
En supprimant la notion de vente domestique, la Commission invite tous les États membres à envisager une vente effectuée entre deux entités de l'UE à des fins d'évaluation en douane.
 
Bon de commande Vs facture
 
Dans une clarification importante, la Commission a déclaré qu'un bon de commande ne peut servir de base pour déterminer la valeur en douane des marchandises. Non seulement le prix de la transaction ne peut servir de base à des fins d'évaluation en douane que lorsqu'une offre est formellement acceptée par le vendeur, mais la facture doit être disponible au moment du dédouanement et présentée comme pièce justificative. La Commission semble vouloir accorder une place centrale à la facture. Ce point de vue concernant l'exclusion du bon de commande peut être considéré comme cohérent par rapport aux dispositions de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises.
 
« Dernière vente » à l'exportation et marchandises vendues sous entrepôt douanier
 
D'autres développements importants sur le concept de « dernière vente » à l'exportation ont été apportés en ce qui concerne les marchandises vendues sous entrepôt douanier. La Commission a fourni quelques exemples de différents modèles impliquant des ventes successives de marchandises sous entrepôt, en identifiant quelle vente devait être considérée comme la dernière à l'exportation. Il semble que le secteur privé n'ait pas été correctement consulté sur ces aspects, ce qui a créé une confusion et une incertitude pour divers modèles. Il apparait également que les États membres ne sont pas totalement alignés sur certains points.
 
À titre d'illustration, les exemples 4a, 4b et 7 présentés dans les orientations décrivent une situation dans laquelle un importateur peut ne pas être en possession de la facture de la vente à l'exportation identifiée par la Commission comme étant la vente de référence et ne connaît pas (la plupart du temps) ce prix de vente à l'exportation. La valeur transactionnelle ne sera alors pas disponible et cet importateur devra utiliser une autre méthode pour dédouaner les marchandises. Mais l'une ou l'autre de ces méthodes sera-t-elle pertinente ?
 
La méthode de la valeur transactionnelle de marchandises similaires ou identiques sera utile, par exemple pour ceux qui importent des marchandises fongibles, pour lesquelles des marchandises similaires/identiques importées peuvent être facilement trouvées. Néanmoins, la comparaison reste difficile pour certaines catégories de marchandises. La méthode déductive est, lorsqu'elle est strictement appliquée, ouverte aux biens vendus dans l'UE dans l'état où ils ont été importés, et au premier niveau commercial après l'importation, à des personnes non liées. Trois conditions cumulatives rendent l'utilisation de cette méthode très difficile, notamment dans les entrepôts où les marchandises sont généralement (au moins) peu transformées et parfois déclarées à l'importation après plusieurs ventes successives. La méthode de la valeur calculée sera difficile à appliquer dans les cas où un importateur ne peut pas accéder à la facture de la vente à l'exportation, il ne pourra pas accéder aux données sur les coûts de production. Si ces trois méthodes ne sont pas pertinentes, seule la méthode du dernier recours, avec toutes ses incertitudes, subsistera.
 
Redevances et droits de licence : évolution et nouvelles illustrations
 
Enfin, les lignes directrices fournissent de nouveaux exemples de situations dans lesquelles les redevances et les droits de licence sont soumis à des droits de douane. La définition des redevances et des droits de licence a été modifiée par rapport à la précédente version, et la formulation suivante a été supprimée : « ou l'utilisation ou le droit d'utilisation d'équipements industriels, commerciaux ou scientifiques ». Nous assistons à une évolution qui conduit à intégrer, dans un nombre croissant de cas, les actifs incorporels dans le calcul de la valeur en douane en vertu de l'article 71-1-b du CDU (aides), plutôt qu'en vertu de l'article 71-1-c (redevances et droits de licence). Nous avons vu des situations où la fourniture d'actifs incorporels (savoir-faire par exemple) compensée sous la forme d'une redevance de licence était incluse dans la valeur en tant qu'étude d'ingénierie au sens de l'article 71-1-b-iv du CDU. Parfois même en vertu de l'article 71-1-b-i du CDU, en tant que coût matériel. Dans les cas où des actifs incorporels, fournis en contrepartie d'un paiement de redevances, sont identifiés comme des facteurs de production, l'évaluation de leur caractère taxable se fera selon l'article 71-1-b du CDU plutôt que selon son article 71-1-c, dont les conditions rendent plus difficile la réintégration des biens intangibles dans la valeur en douane pour les administrations. Le cas 3 (où l’acheteur fournit au vendeur indépendant des services non facturés et nécessaires à la production) illustre cette nouvelle approche, qui a été soulignée dans les Conclusions n° 30 de 2018 du Recueil de la valeur en douane de l'UE.
 
En ce qui concerne le cas 1 (où le contrat de licence oblige le licencié à conclure avec le fabriquant un accord d’exclusivité avec lui), le résultat est conforme aux décisions récentes de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 9 mars 2017, n° C-173/15, GE Healthcare GmbH c/ Hauptzollamt Düsseldorf ; CJUE, 9 juill. 2020, n° C-76/19, Direktor na Teritorialna direktsiya Yugozapadna Agentsiya « Mitnitsi » c/ « Curtis Balkan » EOOD) et au commentaire 25.1 du Comité technique sur la valeur en douane (TCCV). La tendance est, lors de l'évaluation du paiement comme condition du critère de vente, de donner plus de poids à l'organisation réelle de la fabrication et de l'approvisionnement qu'aux dispositions contractuelles signées entre le vendeur à l'exportation et l'acheteur.
 
Plus d’information sur ces sujets dans Le Lamy guide des procédures douanières, à l’étude n° 370 sur la valeur transactionnelle et à l’étude n° 380 sur les méthodes secondaires de détermination de la valeur en douane.
 
Source : Actualités du droit